Apprentissage
"Pourquoi cultiver de "mauvaises habitudes" chez le chiot quand on peut lui en donner de bonnes ?
Mais pourquoi diable les nouveaux maîtres font-ils, lorsque le chiot à 8 ou 10 semaines, le lit de comportements qu'ils vont ensuite chercher à gommer par tous les moyens ? Par facilité ? Par sensiblerie ? Par anthropomorphisme ? Par manque de volonté ? Par manque de temps spécifiquement dédié au chiot ? Parfois un peu de tout cela...et aussi par absence de questionnement concret contextualisé AVANT l'arrivée du chiot : Comment prévenir, agir ou réagir dans telle situation précise ? Quel résultat est-ce que je souhaite obtenir ? Un chien propre ? Non destructeur ? Non agressif avec les humains ou ses congénères ? Avec qui les balades seront un plaisir ?
En réfléchissant à quelques situations courantes avant l'arrivée de Pollux, les futurs maîtres s'épargneraient beaucoup de désarrois, de désillusions, de tensions inutiles et gagneraient, pour le restant de leur relation, des bases saines.
- L'acquisition de la propreté ? Sacrifiée sur l'autel de la "journée continue". Les sphincters d'un chiot de trois mois, ne lui permettent pas de "tenir" une journée dans la cuisine sans se soulager...c'est ainsi. Prendre un chiot alors qu'on ne rentre pas déjeuner c'est, au double titre de ses besoins physiologiques et en activité, le mettre dans une situation intenable et se promettre des mois d'enfer entre dégradations ( normales par ennui et stress dû à l'isolement) et souillures ( normales aussi, aucun de nous ne restant, sans en souffrir,10 h d'affilées sans aller se soulager). Les mêmes se plaindront quelques mois plus tard d'avoir un chien destructeur, aboyeur et/ou malpropre...
- L'apprentissage de la cage ou du vary kennel ( en tant qu'outil offrant au chiot une zone de confort personnelle sécurisée déplaçable après apprentissage agréable et après que ses besoins ont été pris en compte évidemment) ? Abandonné dès que le chiot couine, chougne, pigne, gratte, jappe...bref manifeste avec force son désaccord momentané devant cette frustration temporaire de circulation. " Il pleure depuis 5 mn/10 mn/15 mn non stop ! On a ouvert, le pauvre, il nous voit dans la pièce il veut être avec nous..."...Risquait-il quelque chose ? Non. Sa vie était-elle en jeu ? Pas du tout. Que retient le chiot de l'expérience : Qu'en hurlant, on obtient ce qu'on veut...Les mêmes se plaindront ensuite d'un chien "hyper têtu" ou qui fait de "l'hyper-attachement" voire s'enorgueilliront intérieurement d'avoir " un chien qui les aime" tout en reprochant à grands cris à la pauvre bête les dégâts commis en leur insupportable absence...
- La marche en laisse détendue ? Compromise durablement par facilité immédiate (" on va pas passer le journée pour aller chercher les enfants à l'école à 500 m !"). A peine arrivé le chiot se voit mis en laisse et posé dans la rue. Après quelques refus d'avancer ( qui auraient pu être réglés avec de la patience et l'utilisation au préalable d'une longe dans un lieu sûr permettant de jouer sur le suivi naturel du chiot à cet âge), le petiot se précipite en avant, tire et tracte maman ou papa, tel un boeuf de labour au temps des semailles, , toute sa jeune force déployée, de préférence, dans un joli harnais "cause qu'on nous a dit que les colliers c'était pas bien"...Alors qu'en ne suivant jamais le chiot qui met la laisse en tension et en rendant hautement désirable la zone contre ou immédiatement à l'arrière des jambes des maîtres par une laisse souple et des récompenses ( alimentaires, verbales..), on pose, en quelques minutes par jour, les bases d'une marche en laisse confortable pour tout le monde. Au lieu de ça, autorisé pendant tout son jeune âge et jusqu'à ce que son poids ne rende la situation pénible pour les épaules des maîtres, à jouer les percherons au champ, il faudra ensuite ramer comme un forçat pour récupérer l'habitude, devenue intolérable mais patiemment validée, quatre fois par jour par les patrons pendant des mois. ..
-Le rappel : flingué à 6 mois parce que l'ordre choisi ( quand il y en a un...) a été répété à l'envi sans résultat jusqu'à usure totale, laissant le chiot profiter de sa désobéissance ( quand l'ordre lui a été correctement appris...) par absence de précautions (longe permettant physiquement de récupérer l'effronté qui grillerait l'ordre) et par absence de volonté d'imprimer, au besoin, une grosse image négative en cas de surdité canine sélective. Je ne parle pas ici de violence mais simplement de ne pas rendre confortable et jouissif le fait de faire la sourde oreille au rappel. Au dixième " Kiki au pied/ viens" dans le vent, qui pourrait en vouloir à Kiki de considérer que l'injonction n'est qu'une aimable proposition à ses oreilles ? Ses maîtres ! Alors qu'ils lui ont savamment enseigné que les ordres...n'en étaient justement pas.
- La socialisation , ce processus qui vise à faire acquérir à un individu les codes et le "langage" nécessaire à son intégration sociale ? Rendue contre-productive par excès de zèle et absence de nuance. En son nom les nouveaux maîtres vont exposer leur chiot " tout neuf" à des stimulations non contrôlées, répétées et inadaptées : inconnus qui imposent des contacts physiques sans tenir compte des émotions du chiot et de sa saturation, obligé qu'il est de les supporter alors même que ses maîtres, présents, s'extasient de concert mais ne mettent pas fin aux papouilles forcées, fêtes foraines "flonflons, chouchous, pralines et manèges à sirènes" braillards " c'est pour son bien, ça le socialise !" , parcs à chiens peuplés de caïds canins, de petites frappes à poils et de bipèdes irresponsables " Non mais là tu vois le mien eh ben il est en train d'expliquer au tien que c'est sa balle."..."Euh, mais c'est violent là, quand même ?!" " Ma non, laisse, y'a le gros qui cause au p'tiot, ça l'socialise !"....c'est surtout du carburant à réactivité future, des expériences moisies vécues sous les yeux d'un maître impuissant/inconscient qui vont miner la confiance du chiot envers son maître et le sensibiliser durablement au travers de traumatismes, grands ou petits, répétés, en pensant bien faire...Bel effort, alors qu'en réfléchissant en terme de qualité, et pas de quantité et en étant parfaitement au clair sur ce que devrait être la socialisation d'un chiot ( l'acquisition des codes sociaux par des expériences encadrées et surveillées) on permettrait au chiot de développer sa confiance et son lien avec son maître en l'intégrant socialement positivement...
Et enfin, la neutralité en laisse à la vue d'un congénère ? Six mois, à traverser la rue en faisant le drapeau parce que " tu veux aller lui dire bonjour ? Bon, d'accord mais pas longtemps alors...", parce que " c'est bien il est sociable" jusqu'au jour où " C'est insupportable, il hurle, il se jette en bout de laisse, il a failli me faire tomber...dès qu'il voit un chien il est infernal...mais c'est pas méchant, hein, c'est juste pour aller jouer! Mais ils se sont grognés dessus !" Oui, c'est insupportable, mais il aurait été tellement plus simple de lui apprendre qu'en laisse on ne va JAMAIS saluer un congénère (ou faire le Kéké sous son nez), qu'à l'ordre " au pied/marche..." on suit sans s'occuper de
Lassie sur le trottoir d'en face et, cerise sur le museau, si on se focalise sur Maman, en plus, on est félicité !
Et si on commençait par prendre les bonnes habitudes au lieu de vouloir extirper les mauvaises ? ?"
Pascale Robert